FRANÇOISE
MOQUIN
ARTICLE
- L'INFIRMIÈRE MAGAZINE
L'lnfirmière magazine - N°159
- Avril 2001 p. 42
Rencontre avec
Françoise Moquin
Le coeur gros comme une maison
Depuis dix ans, Françoise Moquin,
infirmière à Montréal, coordonne les soins
à la maison d'Hérelle. Fondée sur une gestion
participative des personnels, résidents et bénévoles,
la maison accueille les malades du sida en perte d'autonomie.
« Avant de parler de son
expérience, il faut prendre le temps de la vivre et de l'intérioriser.
Plus tard, le besoin de la partager s'impose pour encourager d'autres
à aller au bout de leurs propres expériences » estime
Françoise Moquin, coordinatrice des soins auprès de
malades du sida à la maison d'Hérelle. « L'envie d'écrire
m'est venue soudainement lors d'un voyage en Grèce. J'ai
eu l'impression qu'il en allait de ma responsabilité. J'ai
commencé à mettre des mots en vrac sur le papier ».
À son retour de vacances, elle discute de son projet avec
Michèle Blanchard, la directrice de la maison d'Hérelle
qui s'associe à elle pour coécrire un livre intitulé
Êtres aux passages de la vie (1).
Recherche d'harmonie.
Dès l'introduction, les auteurs résument la philosophie
de ce centre d'hébergement communautaire: « Un milieu
de vie où un ensemble d'êtres croient que, lorsque
la terre s'effondre, que tout chavire, différents choix s'offrent
alors. L'un d'eux est de tenter de se rebâtir soi-même
d'abord; ensuite, de se regrouper avec d'autres partageant cette
recherche d'harmonie ».
Créée en 1990, la corporation
Félix-Hubert d'Hérelle tire son nom d'un microbiologiste
né en 1873 dont les découvertes ont influencé
la recherche sur les maladies infectieuses. Elle s'appuie sur une
gestion participative des personnels, résidents et bénévoles.
« À l'époque, il y avait un grand besoin en
hébergement pour les malades du sida en fin de vie » explique
Françoise Moquin. « Au début, neuf personnes sur dix
décédaient à la maison d'Hérelle et
nous étions essentiellement axés sur les soins palliatifs. Depuis trois ans, avec les nouvelles thérapies, l'état
des malades s'améliore. Ils sont moins nombreux à
finir leurs jours ici. Beaucoup retournent vivre chez eux, aidés
par des services à domicile. Nos missions ont donc évolué
et nous accueillons davantage de malades pour des périodes
de transition. Soit ils ont besoin d'un temps de récupération
après une hospitalisation ou une aggravation de leurs symptômes,
soit ils cherchent un lieu de séjour court afin d'offrir,
par exemple, un peu de répit à leur entourage ».
Une maison de caractère.
Située au cour de Montréal, la maison d'Hérelle
ne se distingue pas des autres demeures anciennes de la rue Saint-Hubert.
Cette bâtisse de trois étages aux vieilles boiseries,
aux parquets d'époque, aux briques apparentes, à la
rampe d'escalier sculptée, a gardé tout son caractère.
Seules quelques pièces ont été aménagées
pour des consultations, des soins, des séances de massage,
de relaxation ou de repos... On y ressent un climat de sérénité
et on ne sait si les personnes croisées au hasard d'un couloir
ou d'un salon sont des résidents ou des salariés de
la maison. « Tant mieux! » s'exclame Françoise. « Personne
ne porte de blouse blanche. Nous sommes des êtres humains
en relation avec d'autres êtres humains ».
Le centre d'hébergement fonctionne
avec une trentaine d'infirmières, travailleurs sociaux, éducateurs
spécialisés, psychothérapeutes, et plusieurs
employés à l'administration, au ménage ou à
la cuisine sans compter un pool de 75 bénévoles. Hormis
les prises de médicaments, les repas à horaires précis,
les toilettes avant dix heures, libre aux 17 résidents d'organiser
leurs journées. Ils ont même à leur disposition
deux réfrigérateurs et un micro-ondes pour se préparer
à toute heure une petite collation. De plus, il n'y a pas
d'heure limite de visite et chaque personne peut sortir en ville
à sa guise. La seule consigne est de respecter la vie commune:
réserver certaines activités (télévision,
musique, ateliers) à des locaux particuliers, éviter
le bruit et participer, en fonction des capacités, à
la vie de la maison (desservir la table, vider les cendriers ou
encore participer à la réunion hebdomadaire des résidents).
Médecine traditionnelle.
Chaque malade bénéficie d'un plan d'accompagnement
dicté par ses besoins: soins physiques, interventions psychologiques,
aide sociale ou conseils juridiques. Pour les personnes qui le souhaitent,
la prise en charge est complétée par un massage shiatsu,
le toucher thérapeutique, la naturopathie, l'aromathérapie
ou la phytothérapie. « Nous sommes tournés
vers la médecine traditionnelle qui prend en compte l'être
humain dans toutes ses dimensions » explique Françoise. « Nous
soignons le corps mais aussi l'âme ». L'ambition
de la maison d'Hérelle est simple: faire un bout de chemin
avec chaque personne dans un environnement chaleureux et humain
et l'accompagner pour qu'elle s'approprie les étapes de sa
maladie et de la mort.
Citons le témoignage de Marcel, un résident: « Je réalise
ce qui s'est passé en moi depuis que je suis ici à
la maison... Je me rends compte que je suis vraiment mieux avec
moi-même. Je suis capable de me déplacer avec une canne.
Qui aurait cru cela possible ? Je suis allé à l'hôpital
pour un examen et le médecin n'en revenait pas de me voir
comme ça, bien vivant. Je me suis levé du fauteuil
roulant et j 'ai fait quelques pas en marchant ».
Reconnaître ses faiblesses.
Il n'empêche qu'à la maison d'Hérelle, la douleur,
la dépendance, la mort font partie du quotidien. « À
force de donner, nous pouvons nous épuiser. Au fil de nos
années d'expériences, nous avons appris à reconnaître
nos faiblesses, nos limites », note Françoise. Les
intervenants s'accordent le droit d'être aidés, de
recevoir des massages, ou de se recueillir dans la salle de méditation.
Mais pas question pour Françoise et son équipe de
"se détacher" comme il leur est parfois
suggéré : « Nous acceptons d'être touchés
par les êtres que nous accompagnons ».
Claire Manicot
- Êtres aux passages de la vie.
Françoise Moquin et Michèle Blanchard.
Éditions Samsarah/Rainbow Planet
(1999)
Pour
en savoir plus, consulter le site Internet: www.maisondherelle.org
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Moments clés
- 1973 : DE, exerce en psychiatrie
dans des hôpitaux de Montréal
- 1988 : maîtrise en santé
communautaire
- 1990 : coordination des soins à
la maison d'Hérelle
- 1999 : publication de Êtres
aux passages de la vie
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